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Editorial

La mémoire et le pardon.

Capricieuse mémoire ! Que de souvenirs elle laisse échapper qui seraient précieux ! Combien d’autres elle garde dont nous aimerions nous libérer ! Sans doute pouvons-nous, par des exercices appropriés, améliorer nos capacités à conserver la grâce des événements passés. L’oubli, lui, ne dépend pas de nous. C’est ce qui nous interdit de le confondre avec le pardon.

Le pardon est volontaire. On ne pardonne pas sans l’avoir voulu, et l’effort pour y parvenir peut-être immense. mais on a beau vouloir, on n’oublie pas. Aucun décret de la volonté ne peut effacer de notre mémoire ni la faute que l’on a commise, ni l’injustice que l’on a subie. Quels que soient nous souhaits, nous ne pourrons jamais plus rencontrer telle personne ou même simplement penser à elle, sans qu’aussitôt se lève en nous le souvenir de ce qui nous a dressés l’un contre l’autre. peut-être vivions-nous sans plus y penser, comme si cela n’avait jamais eu lieu. Il a suffi d’un mot, d’un nom, d’un visage.  » Je croyais avoir oublié « . Même pas ! Car on ne peut tenir ce langage qu’une fois constaté qu’on n’avait pas oublié. C’est :  » Je ne savais pas que je me souvenais «  qu’il faut dire.

Le souvenir ne vient pas toujours seul. Il ressuscite souvent avec lui les sentiments jadis éprouvés. Il lui arrive même de les enrichir de tout ce qu’à chacune de ses résurgences nous avons pu penser, éprouver, remâcher. Regret toujours cuisant, souffrance toujours vive. celui qui a oublié ne souffre plus. n’éprouve plus ni regret ni rancune. Mais on peut douter qu’il ait pardonné. Sa paix n’est peut-être que le fruit d’une amnésie. Encore ne le sait-il pas, puisque l’oubli a dissous son savoir.

Telle est la grandeur du pardon. Il ne guérit pas la blessure, il ne masque pas la cicatrice, il ne supprime pas la douleur : Il les dépasse. Celui qui a pardonné peut souffrir encore. Du moins est-il sûr d’aimer. Le pardon n’efface pas le passé, il met fin au ressentiment. Il est la victoire de l’amour, l’avènement d’une paix plus forte que toutes les souffrances. Il n’abolit pas l’histoire, il lui donne une orientation que rien en elle ne préparait. En ouvrant les chemins de la réconciliation, il crée un avenir que l’oubli ne saurait assurer et qu’aucune intervention du souvenir ne pourra menacer.

Jonas 2:7  » Quand mon âme était abattue au dedans de moi, Je me suis souvenu de l’Éternel, et ma prière est parvenue jusqu’à toi, dans ton saint temple. »

Matthieu 6:12  » Pardonne-nous nos torts envers toi comme nous pardonnons nous-mêmes les torts des autres envers nous. «